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Le Petit Fugitif

Little Fugitive

Un film de Morris Engel, Ruth Orkin, Ray Ashley

Brooklyn, dans les années cinquante. La mère de Lennie lui confie la garde de son petit frère Joey car elle doit se rendre au chevet de la grand-mère, malade. Lennie avait prévu de passer le week-end avec ses amis. Irrité de devoir emmener son petit frère partout avec lui, il décide de lui jouer un tour en simulant un accident de carabine. Persuadé d’avoir causé la mort de son frère, Joey s’enfuit à Coney Island, immense plage new-yorkaise dédiée aux manèges et à l’amusement…

Jeune public - États-Unis - 1953 - 77 min

  • À propos

    LE FILM FONDATEUR DU CINÉMA INDÉPENDANT AMÉRICAIN,
    VÉRITABLE HOMMAGE À L’ENFANCE ET NEW YORK

    Filmé dans un noir et blanc somptueux, Le Petit Fugitif est considéré comme le film précurseur du cinéma indépendant américain, qui a fortement inspiré les premiers films de John Cassavetes et Martin Scorsese. Véritables avant-gardistes, Morris Engel, Ruth Orkin et Ray Ashley s’immergent dans la foule de Coney Island, lieu mythique de New York, et réalisent une œuvre à hauteur d’enfant sans précédent. Prototype du film à petit budget tourné en décors naturels et avec des acteurs non professionnels, Le Petit Fugitif – auréolé du Lion d’argent à Venise – est entré dans l’histoire du cinéma comme une influence fondatrice, notamment pour la Nouvelle Vague.

    Morris Engel et Ruth Orkin, les débuts du cinéma indépendant américain

    Morris Engel a passé son enfance à Brooklyn, et était extrêmement attaché à Coney Island. En tant que photographe, il a travaillé pour le mythique journal P.M. et a servi pendant quatre ans au sein de la Marine américaine comme photographe de combats, notamment lors du débarquement en Normandie. Lorsqu’il lance le projet du Petit Fugitif, il n’existe pas encore de véritable alternative au cinéma hollywoodien, et les budgets de films sont très élevés.

    Pour pallier au manque d’argent, Morris Engel crée un harnachement pour caméra, spécialement conçu pour le film, qui lui permet de filmer les badauds de Coney Island sans être vu. La caméra embarquée, les figurants authentiques et la matérialité des attractions de Coney Island donnent au Petit Fugitif un aspect très réaliste, souvent proche du documentaire. Une sorte de cinéma vérité avant l’heure.

    « Ma femme a grandi à Hollywood, et a travaillé pour la MGM, donc elle savait tout sur la fabrication des films. Quand je lui ai dit que j’allais faire un film, elle m’a dit que c’était impossible. On a commencé à travailler sur le projet, et quand notre monteur a démissionné, j’ai demandé à Ruth de monter nos rushes. Elle a résisté, mais elle est vite tombée amoureuse de nos images et les a montées pour nous. Elle a réalisé un travail formidable. En très peu de temps, elle est devenue la monteuse idéale pour le film. Comme elle avait travaillé à Hollywood, où sa mère était une star du cinéma muet, elle savait tout sur la continuité et le montage. Heureusement pour nous, car nous n’y connaissions rien ! » Morris Engel

    Le couple Engel-Orkin a réalisé deux autres films ensemble par la suite : Lovers and Lollipops (1955) et Weddings and Babies. Morris Engel est décédé en 2005, en laissant également derrière lui une impressionnante œuvre photographique. (1958). Disparue en 1985, Ruth Orkin est restée célèbre pour ses photographies, notamment pour son œuvre American Girl in Italy.

    New York à hauteur d’enfant

    Brooklyn, où vit Joey, et surtout le lieu de son escapade, Coney Island, constituent des personnages à part entière du film. Lieu de divertissement pour de nombreux New-Yorkais des classes modestes, Coney Island est filmée à travers le regard émerveillé d’un enfant de sept ans. Le parc d’attractions et la plage prennent dans Le Petit Fugitif une dimension particulière, presque magique. Comme une image du passé à jamais figée par le cinéma

    Coney Island constitue un grand mythe populaire américain du vingtième siècle, chanté par les accents locaux de Lou Reed (Coney Island Baby), immortalisé par les clichés de foule de Weegee, traversé du génie de Buster Keaton dans le seul film où il rit aux éclats (Coney Island), magnifié en Eastmancolor au début du Mirage de la vie de Douglas Sirk, souvent convoqué dans la grande imagerie américaine pour illustrer les vestiges d’un passé regretté (voir le boardwalk abandonné dans la série Les Soprano, ou le parc d’attractions délabré du jeu-vidéo GTA IV).

    Le Petit Fugitif est, en ce sens, un inestimable témoignage de son époque. Coney Island n’a jamais été aussi fréquentée que dans les années cinquante et véhicule, par son seul nom, toute la mythologie des fifties. C’est un temps où l’on allait en masse y profiter des beaux jours et de ses attractions vertigineuses (comme le Parachute Jump), où les enfants pouvaient passer la journée à ramasser les bouteilles usagées de Coca qui – récupérées pour quelques cents – leur permettaient de s’offrir des tours de manège. Le tournage en caméra (pratiquement) cachée a permis à Morris Engel d’immortaliser cet endroit unique auquel les New-Yorkais restent extrêmement attachés, comme le montrent les mouvements actuels en faveur de la préservation du parc d’attractions, menacé de destruction car il n’est plus aux normes de sécurité.

    Une affaire de caméra

    Le Petit Fugitif n’aurait jamais existé si une caméra exceptionnelle n’avait pas été inventée. Elle est l’œuvre de Charles Woodruff, un ami que Morris Engel avait rencontré dans la Navy. Il s’agit d’une caméra 35 mm compacte et passe-partout que l’on tient à la main, avec un harnais au niveau de l’épaule. Elle dispose d’une double contre-griffe et d’un système optique à deux objectifs. Il fallut un an à Woodruff pour achever la caméra.

    Ceci permit de tourner dans des conditions proches de la « caméra cachée » puisque, discret et mobile, l’engin pouvait filmer au cœur de la foule sans que celle-ci ne le remarque. Cette approche esthétique et pratique est à la base du film, Engel, Ashley et Orkin souhaitant tourner en comité très réduit et dans les conditions les plus proches possibles de la réalité quotidienne. La caméra servit à produire des images « volées » et à faire du Petit Fugitifune véritable œuvre indépendante, entre documentaire et fiction.

    Mieux, elle inspira de nombreux cinéastes en quête de nouvelles formes, dont le plus célèbre reste Jean-Luc Godard qui écrivit un courrier à Morris Engel pour acheter sa caméra et lui envoya, à New York, son chef-opérateur Raoul Coutard. Il s’inspira des techniques élaborées par Engel pour tourner, dans Paris, des plans volés de foule, des images cachées de la vie urbaine. Le film qui en résulta s’appelle À bout de souffle.

    Richie Andrusco, bouleversant de spontanéité

    Le petit garçon qui incarne Joey, Richie Andrusco, est suivi par la caméra du début à la fin du film. Extrêmement attachant, il embarque le spectateur avec lui dans son périple. Brooklyn et Coney Island nous sont montrés de son point de vue de petit garçon fasciné par les jeux, les attractions et les denrées offertes par ce nouveau monde.

    Un chef-d’œuvre américain aux premiers temps d’une vague nouvelle

    Son traitement novateur de la peur et de l’émerveillement enfantins ont valu au Petit Fugitif une nomination aux Oscars®, dans la section « Meilleur scénario », et un Lion d’argent à Venise en 1953 partagé avec le prestigieux Les Contes de la lune vague après la pluie de Kenji Mizoguchi. Le Petit Fugitif fait également partie de la liste des 1000 films élus comme incontournables par le New York Times, et se classe parmi les meilleurs films sur New York selon Time Out.

    Le dispositif de création du Petit Fugitif mélange documentaire et fiction, et marque la naissance d’un nouveau cinéma indépendant américain. En cela, il ressemble dans sa fabrication aux films urbains et fauchés de l’époque tels que The Savage Eye (Meyers, Maddow et Strick, 1956-60) ou Shadows (Cassavetes, 1959).

    Le Petit Fugitif a suscité l’admiration de grands cinéastes, dont notamment ceux de la Nouvelle Vague française qui y virent l’exaltation d’une liberté de filmage et d’une justesse de ton jusqu’à présent inexplorées par le cinéma traditionnel. François Truffaut, en particulier, a encensé Le Petit Fugitif dans une célèbre interview donnée au New Yorker. Le film lui a servi d’influence pour Les Quatre cents coups, dans lequel il a explicitement rendu hommage au modèle original lors d’une séquence qui montre le jeune Antoine Doinel en train de se laver le visage après son escapade, reprenant ainsi un geste effectué dans les mêmes circonstances par le petit Joey.

    Sortie en salles le 11 février 2009
    Sortie en DVD et Coffret DVD collector le 19 novembre 2009

  • Crédits

    Réalisation : Ray ASHLEY, Morris ENGEL et Ruth ORKIN

    Scénario : Ray ASHLEY

    Avec : Richie ANDRUSCO, Richie BREWSTER, Winnifred CUSHING

    Musique : Eddy Lawrence MANSON

    Directeur de la photographie : Morris ENGEL

    Montage : Ruth ORKIN

    Producteurs : Ray ASHLEY, Morris ENGEL

    Production : Little Fugitive Production Company

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