Au cinéma le 26 janvier 2022 en version restaurée
Le Désert rouge
Il Deserto rosso
Un film de Michelangelo Antonioni
Giuliana, mariée à un industriel, Ugo, et mère d’un petit garçon, Valerio, est sujette à de fréquentes crises d’angoisse. Elle erre dans la triste banlieue industrielle de Ravenne tout en essayant de donner sens au monde qui l’entoure. Elle recherche le réconfort auprès de Corrado, un ami de son mari venu recruter de la main d’oeuvre pour fonder une usine en Patagonie. Mais celui-ci se révèlera également incapable de la comprendre et elle retournera à ses interrogations sans réponse.
Drame - Italie - 1964 - 115 min - couleurs - 1.66:1 - VOSTF - DCP - Visa n° 28 333
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À propos
LION D’OR FESTIVAL DE VENISE 1964
« J’éprouve le besoin d’exprimer la réalité dans des termes qui ne soient pas réalistes. La ligne blanche abstraite qui entre dans le plan au début de la séquence de la petite rue grise m’intéresse beaucoup plus que la voiture qui arrive : c’est une façon d’aborder le personnage à partir des choses, plutôt qu’à travers sa vie. Sa vie au fond ne m’intéresse que relativement »
Michelangelo Antonioni, « La nuit, l’éclipse, l’aurore », entretien avec Jean-Luc Godard, Cahiers du cinéma n°160, novembre 1964
L’errance comme aventure du regard
Le Désert Rouge dans la lignée de trois films précédents d’Antonioni (L’Avventura, La Notte, L’Eclisse), est un film sur l’errance et la perte de repères et de sens. Giuliana, après une tentative de suicide sans motivation explicite, déambule dans l’immensité de la plaine industrielle du Pô où les corps se noient dans la brume et la fumée qui s’échappe des cheminées. Cette perte de signification chez Antonioni est d’abord une aventure du regard qui tend à irréaliser le réel, rapprochant Antonioni des plus grands peintres abstraits et faisant du cinéaste l’un des auteurs emblématiques de la modernité cinématographique :Chez Antonioni, le drame n’est plus psychologique mais devient plastique ou, du moins, l’un et l’autre ne font qu’un.
Une confrontation du personnage et du paysage
Si Antonioni est proche des peintres romantiques en ce sens que le paysage est un reflet des sentiments du personnage, il s’en démarque cependant puisque c’est ici la réalité extérieure, comprise comme un phénomène essentiellement plastique (effet de matières, de couleurs, de lignes), qui semble déterminer la crise du personnage, confronté à la modernité du monde industriel. Mais si cette manifestation du monde est source d’angoisse pour le protagoniste, il semble qu’elle est source de beauté pour le cinéaste. Le regard de Giuliana est un relais pour Antonioni qui lui permet d’explorer les possibilités plastiques du monde jusqu’à l’abstraction et la défiguration.« Notre vie, même si nous ne nous en rendons pas compte, est dominée par « l’industrie ». Et par « industrie », il ne faut pas entendre seulement usines, mais aussi et surtout produits. Ces produits sont partout, ils entrent dans nos maisons, faits de plastique et d’autres matériaux inconnus il y a quelques années à peine, ils sont vivement colorés, ils nous rejoignent où que nous soyons. A l’aide d’une publicité qui tient de plus en plus compte de notre psychologie et de notre subconscient, ils nous obsèdent. Je peux dire ceci : en situant l’histoire du Désert Rouge dans le monde des usines, je suis remonté à la source de cette sorte de crise qui, comme un fleuve, reçoit mille affluents, se divise en mille bras pour enfin tout submerger et se répandre partout. »
« La nuit, l’éclipse, l’aurore », entretien avec Jean-Luc Godard, Cahiers du cinéma n°160, novembre 1964
« Cette fois-ci, il ne s’agit pas d’un film sur les sentiments. Les résultats, qu’ils soient bons ou mauvais, beaux ou laids, obtenus dans mes précédents films sont ici dépassés, caduques. Le propos est tout autre. Auparavant, c’était les rapports des personnages entre eux qui m’intéressaient. Ici le personnage central est confronté également avec le milieu social, ce qui fait que je traite mon histoire d’une façon toute différente. Il est trop simpliste, comme beaucoup l’ont fait, de dire que j’accuse ce monde industrialisé, inhumain où l’individu est écrasé et conduit à la névrose. Mon intention au contraire, encore que l’on sache souvent très bien d’où l’on part mais nullement où l’on aboutira, était de traduire la beauté de ce monde où même les usines peuvent être très belles. La ligne, les courbes des usines et de leurs cheminées sont peut-être plus belles qu’une ligne d’arbres que l’oeil a déjà trop vus. C’est un monde riche, vivant, utile »
« La nuit, l’éclipse, l’aurore », entretien avec Jean-Luc Godard, Cahiers du cinéma n°160, novembre 1964La couleur
Pour son premier film en couleur, Antonioni a porté une attention toute particulière à cette nouvelle donnée esthétique. Pour évoquer la tristesse des plaines industrielles dans lesquelles erre son héroïne, il n’a pas hésité à « repeindre le visage de la réalité » lors du tournage ou à intervenir au moment du développement, allant même jusqu’à repeindre les arbres pour atténuer la vivacité de leur vert ou à brûler l’herbe au chalumeau.« Dans Le Désert rouge, j’ai dû repeindre le visage de la réalité, les routes, les paysages, les peindre matériellement. Cela n’a pas été facile. Tant que l’on est en studio, c’est facile mais lorsque l’on tourne en extérieurs, violer la réalité devient un sérieux problème. Il suffit d’une gelée blanche pour tout gâcher. J’avais peint un bois entier en gris pour le rendre pareil au ciment. Il a plu et toute la couleur est partie. Trois jours et trois nuits de travail anéantis. » La revue du cinéma n°298, septembre 1975
Sortie en salles le 04 janvier 2006
Sortie en DVD et Coffret DVD le 05 septembre 2006 -
Crédits
Réalisation : Michelangelo ANTONIONI
Scénario : Tonino GUERRA & Michelangelo ANTONIONI
Avec : Monica VITTI, Richard HARRIS & Carlo CHIONETTI
Musique : Giovanni FUSCO
Montage : Eraldo DA ROMA
Décors : Piero POLETTO
Chef opérateur : Carlo DI PALMA
Production : Film Duemila, Federiz & Francoriz Production
Producteur : Tonino CERVI -
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